1925
Pavillon de l’Esprit Nouveau réalisé par Le Corbusier et Pierre Jeanneret à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes à Paris. Cellule entière de « l’immeuble-villas » avec jardin suspendu, concept préfigurant les projets genevois. Peut-être la première rencontre avec Edmond Wanner, exposant lauréat.
1926
Le père de Le Corbusier, Georges-Edouard Jeanneret, s’éteignit le 13 janvier à Corseaux, dans la villa «Le Lac», la petite maison au bord du Léman que le fils venait de construire pour ses parents. Sa mère, Marie-Charlotte-Amélie Jeanneret-Perret, y vécut jusqu’à son décès le 15 février 1960, à l’âge de 100 ans. Son frère Albert y demeura de 1939 à 1971.
1927
Exposition de la Cité Weissenhof (Weissenhofsiedlung) organisée par le Deutscher Werkbund à Stuttgart. Le Corbusier et Pierre Jeanneret y construisirent deux maisons d’habitation. Edmond Wanner vint visiter l’exposition. Les « cinq points d’une architecture nouvelle » furent énoncés dans la publication de l’exposition.
1928
Signature le 12 avril du contrat entre Le Corbusier et l’entrepreneur et propriétaire foncier Edmond Wanner. Le Corbusier et Pierre Jeanneret établissant les premiers projets de lotissements à l’Athénée. Wanner se réservait le droit d’étudier les détails, soumis ensuite aux architectes, et d’élaborer les soumissions, la conduite ainsi que la surveillance des travaux et la vérification des comptes. Il s’agissait de créer des « lotissements fermés à alvéoles » ou «immeubles-villas». Les architectes proposèrent un premier type d’immeuble avec couloir central, une rue intérieure utilisée plus tard à la Cité radieuse de Marseille. Le deuxième type proposé consistait à créer des immeubles à coursives, appelées «galeries ouvertes», comportant une succession de petits appartements à double hauteur. Wanner prévoyait l’utilisation du Solomite, dont il était le concessionnaire, soit des panneaux isolants constitués de paille compressée liée par des fils de fers. Une correspondance entre un des directeurs des Ateliers de Sécheron et Wanner permet de déduire qu’il s’agissait sans doute du premier accord conclu entre ces entrepreneurs pour procéder à la fabrication industrielle du Solomite, mais aussi pour appliquer la soudure à électrodes Exotherme des structures métalliques, technique inventée par Sécheron. En juin, Wanner annonça à Le Corbusier le changement de terrain, notamment pour des raisons financières. Il proposa des terrains à la Terrassière appartenant à sa mère. Les premiers projets prévoyaient le regroupement de quatre appartements autour d’une cage d’escalier centrale combinée avec des jardins suspendus de deux niveaux, plans pouvant se répéter à l’infini, à l’horizontale comme à la verticale.
1929
Construction de la villa Ruf au Grand-Saconnex, au chemin des Manons 12, pour un ingénieur des Ateliers de Sécheron, Jean Ruf. Francis Quétant fut finalement chargé de sa réalisation, alors que Le Corbusier et Pierre Jeanneret avaient conçu des plans et des croquis. Plusieurs protagonistes de l’immeuble Clarté s’y retrouvèrent : Edmond Wanner et son employé Francis Quétant, avec la collaboration de Boris Nazarieff. Certains éléments constructifs également appliqués à Clarté furent le Solomite, les fenêtres en longueur, l’escalier métallique en colimaçon et le toitterrasse.
1930
Dans un premier temps, Le Corbusier et Pierre Jeanneret avaient repris, pour l’immeuble Clarté, l’idée d’un couloir central, en alignant les balcons des deux façades longitudinales au même niveau. Le projet évolua et les dispositions des galeries furent décalées, permettant ainsi à chaque logement, duplex ou d’un niveau, traversant ou mono-orienté, de bénéficier d’un balcon. Le couloir médian fut abandonné au profit d’une vaste cage d’escalier centrale pour chaque allée du double immeuble. Enfin, le 30 août, Edmond Wanner déposa la première requête en autorisation de construire (no 1004).
1931
L’autorisation de construire fut accordée le 30 mai 1931, sous réserve de quelques modifications, notamment celle de l’emplacement des chambres de bonnes au plain-pied. Le gabarit dépassait la hauteur de 21 m imposée par la loi dans cette zone, mais de subtiles modifications des plans et du calcul du nombre d’étages (retraits des façades des derniers niveaux) permirent d’y remédier. Wanner demanda à Le Corbusier de dessiner, au dernier niveau, des ateliers d’artistes transformables en appartements dès l’obtention de l’autorisation d’habiter. L’attique ou «wagon», disposé en retrait des façades, bénéficiant ainsi de vastes terrasses destinées à l’origine à tous les habitants, fut loué à Francis Quétant. L’occupation illégale de cet espace comme habitation valut à Wanner une longue procédure juridique qui se solda cependant par un arrangement très avantageux pour le maître de l’ouvrage5. Le plan d’aménagement adopté le 2 juin par le Conseil d’Etat prévoyait le lotissement de l’ensemble du quartier, dont le double immeuble Clarté.
Mais le terrain du triangle de Villereuse, 153 constitué de remblais, posait problème et il fallut faire appel à un spécialiste pour la construction des fondations et du radier. L’ingénieur Robert Maillart fut chargé de réaliser les plans 6. A la suite du montage de l’ossature métallique, Edmond Wanner préconisa de monter les planchers/dalles de haut en bas, mais après un accident, ce procédé fut inversé. Un premier rapport de Maurice Brémond, daté du 15 octobre 1931, expertise effectuée à la demande de John Torcapel, mit en question la solidité de la structure des galeries extérieures.
1932/33
Deuxième rapport d’expertise de Maurice Brémond. La responsabilité des défauts dans la structure des galeries fut renvoyée de Wanner à Torcapel et de Torcapel à l’entreprise Toso- Badel qui travaillait sous ses ordres. Pierre Scheidegger, architecte, responsable de la succursale de Wohnbedarf à Zurich sous l’enseigne «Ameublement-Typ», occupa l’arcade du rez-de-chaussée du côté Adrien- Lachenal de juin 1932 à juillet 1933. Cette succursale organisa une exposition du 25 mai au 15 juin 1932, qui fut répartie sur deux étages au n° 4 de la rue Saint-Laurent. Divers ensembliers, tels Gustave-Adolphe Hufschmid ou Else Hamann, meublèrent alors plusieurs appartements. En août 1932, ce fut la fin du chantier. S’ensuivirent des campagnes de photos de Paul Boissonnas et de Frank-Henri Jullien, à la demande de Wanner en 1932 et 1933, et de Hans Finsler pour Wohnbedarf en 1933. L’année suivante, Mme Meyfarth commanda une nouvelle série de photos à Jullien.
1953/54
Rénovation de Clarté par l’architecte Marc-Joseph Saugey. Saugey assista, avec Pascal Häusermann et Bruno Camoletti, à une conférence de Le Corbusier. Il le questionna sur la couleur des balcons. Le Corbusier répondit à Saugey qu’il pouvait faire comme il voulait, que l’immeuble devait vivre, qu’il fallait assurer une liberté dans l’organisation des appartements et des sols, suffisamment solides pour y disposer les parois où l’on voulait. Il s’agissait de ne pas figer le bâtiment 7. En novembre 1953, Saugey déposa une requête pour l’aménagement de quatre magasins, à l’emplacement de l’actuel restaurant8. Saugey recouvrit les verrières d’un shed en toiture, ajouta des couvertes de ferblanterie, en raison de problèmes d’étanchéité, et couvrit d’asphalte les sols en bois des galeries. Selon les informations complémentaires d’Eric-James Favre-Bulle de l’atelier Saint- Dismas, Saugey commanda à Georges Aubert, artiste peintre et ami d’enfance de Le Corbusier, deux grandes peintures murales d’expression abstraite, réalisées en 1953 dans les halls d’entrée, face aux boîtes aux lettres. Ces oeuvres disparurent lors des travaux de 1975-1977.
1968
Menacé de démolition pour des raisons spéculatives, l’immeuble Clarté fut racheté par la Fédération des architectes suisses (FAS), soit par environ 60 architectes actionnaires.
1975-1977
Interventions de Pascal Häusermann et de Bruno Camoletti 10 qui, en 1975, achetèrent la majorité des actions de Clarté, grâce à leurs contacts avec les banques, notamment avec René Weibel, patron de Rentenanstalt. Le 25 août 1975, Bruno Camoletti déposa une requête (D68816) en autorisation de construire, laquelle fut accordée le 15 octobre de la même année. Lors des travaux de restauration, les architectes procédèrent aux rénovations techniques (chauffage, électricité, réseau sanitaire), au remplacement des plots de verre en cul de bouteille des cages d’escalier par des dalles de verre carrées, à la division en deux logements du «wagon» en attique. Ils supprimèrent l’asphalte et le fibro-ciment posés par Saugey sur les lattes en bois des balcons qui, par manque d’air, pourrissaient le bois. Ils remplacèrent les toiles de tente et les stores en bois, supprimèrent également le four à incinération des ordures. Le chauffage au charbon fut remplacé par un dispositif au mazout. Les architectes créèrent un restaurant au rez-de-chaussée, sur l’emplacement occupé par des arcades et deux garages. Cette restauration, couronnée de succès, se déroula sans trop de contraintes. Häusermann et Camoletti avaient les mains libres et pouvaient prendre des décisions rapides. Ils bénéficiaient de contacts avec Charlotte Perriand, Edmond Wanner et John Torcapel.
1982
Première monographie sur l’immeuble Clarté.
1986
12 novembre: classement de l’immeuble Clarté comme monument historique par le Conseil d’Etat du canton de Genève.
1987
Du 5 au 30 mai : exposition dans l’immeuble Clarté « Le Corbusier à Genève 1922-1932 », accompagnée d’une publication.
2003
9 décembre: mandat de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève pour l’étude de la restauration de l’enveloppe de l’immeuble. 16 décembre: rapport de la Commission fédérale des monuments historiques, avec ses recommandations.
2004
7 septembre: l’assemblée générale de la communauté des copropriétaires de l’immeuble Clarté décide de reprendre l’étude des architectes financée par la Fondation de valorisation et de donner suite au mandat pour l’étude définitive en vue de la demande d’autorisation de construire. 17 décembre : requête en autorisation de construire.
2005
24 juin: autorisation de construire accordée.
2006
Janvier : prototype de restauration de façade (duplex sud, 2e étage, au n°4). De 2003 à 2006, l’architecte Laurent Chenu réalise un inventaire exhaustif des relevés et plans de Clarté, sur mandat de la Direction du patrimoine et des sites, Etat de Genève.
2007
Janvier : prototype de restauration de balcon. 4 juin: début du chantier de restauration par la pose des échafaudages
2010
En été, achèvement des travaux de restauration extérieure.
2011
Cloisonnement pour la protection contre le feu au rez-de-chaussée selon la mise aux normes de sécurité.
2012
Travaux de garantie sur les stores à rouleaux des duplex, remplacement des coulisseaux.
2016
Inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Crédits : Bibliothèque de Genève / Centre d’iconographie genevoise.